Toujours
avec cette même fascination des lieux, Cécile Helle a fait visiter
début mars tout le corps institutionnel de l'Hôtel de Ville
d'Avignon à des jeunes collégiens venus de quartiers populaires.
Sous leurs regards attentif, Cécile Helle s'apparente à une Maire
"proche de ses citoyens" en expliquant avec passion
l'importance de l'Hôtel de Ville dans la citoyenneté, considérée
selon elle comme la "maison de tous".
Assise
derrière un bureau où s'empilent dossiers sur dossiers, l'ancienne
maitre de conférence en Géographie de l'Université d'Avignon ne
cache pas son ambition pour la ville qu'elle a d'ores et déjà
commencé à appliquer dès son investiture, dix mois déjà. Langage
sérieux, un léger air décontracté, elle se décrit comme une
Maire simple et proche de ses citoyens. Successeur de Marie-José
Roig en avril dernier, Cécile Helle s'installe à Avignon à l'âge
de 15 ans avec ses parents. Elève au lycée Aubanel, elle participe
à la manifestation contre la Loi Devaquet en 1986 et s'encarte peu
après au Parti Socialiste.
28 ans
et plus jeune députée de l'Assemblée Nationale en 1997,
conseillère régionale en 2004, et plus jeune Maire d'Avignon en
2014, elle incarne derrière ce sourire discret une carrière
fulgurante et bien maîtrisée. Bien qu'elle ne soit pas vraiment
nostalgique des débats de l'Assemblée Nationale ; à 44 ans, Cécile
Helle cherche l'action de proximité en construisant une nouvelle
manière de gouverner la municipalité d'Avignon, à sa façon.
"Rien
ne doit justifier la violence ou le rejet de l'autre mais nous
devons chercher des éléments explicatifs" Cécile
Helle
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Opposée
sans complexe au projet du tram, elle assume sa place de Vice
Présidente à la Communauté de Communes du Grand Avignon et
n'hésite pas à faire entendre son souhait de solutions alternatives
à ce "cadeau empoisonné".
C'est
au bout d'un long couloir desservant les bureaux de ses conseillers,
que je m'apprête, feuilles de questions dans une main et appareil
photo de l'autre, à la rencontrer. Pièce claire, sièges anis,
large tableau contemporain ; le bureau est à l'image de son
locataire, à l'image d'un renouvellement.
Clément
Maini (Prise de Paroles actu):
Pourquoi estimez-vous qu'Avignon est une ville à "ré-inventer"
?
Cécile
Helle:
C'était effectivement mon slogan de campagne qui émettait l'idée
de "réveiller" Avignon que l'on surnomme souvent la Belle
endormie. J'ai aussi tendance à considérer que le troisième mandat
est toujours le mandat de trop, en pensant notamment à celui de
Marie-José Roig qui a été marqué par un certain immobilisme, une
absence de projet concret et de décision forte. Ainsi, l'idée de
ré-inventer Avignon, c'est d'essayer de redémarrer cette ville et
lui redonner une certaine dynamique.
C.M :
A Avignon,
de nombreuses communautés revendiquent des droits et des valeurs
lors de manifestations, comme celle du samedi 14 février où 200
personnes sont venues manifester contre l'islamophobie dans un cadre
légal. On entendait parfois des témoins, surpris, choqués,
demandant ainsi "Où est donc la police ?".
Sachant
le contexte actuel est-ce que cela relèverait plutôt d'un
ras-le-bol ou d'une augmentation de l'intolérance des avignonnais?
C.H:
Je pense qu'il y a des deux mais rien ne doit justifier la violence
ou le rejet de l'autre mais nous devons chercher des éléments
explicatifs. C'est toujours de cette manière que j'ai procédé et
je reconnais que dans certaines banlieues françaises comme
avignonnaises il y a des ras-le-bol qui se manifestent - voire de
manière violente - mais il est important, à mes yeux, de comprendre
ce qui a pu susciter ces réactions. Si nous ne cherchons pas à les
comprendre, nous n'arriverons pas à les combattre.
Pour ma
part, étant citoyenne d'Avignon depuis 30 ans et élue depuis quinze
années, je constate une certaine crispation entre les différentes
communautés que j'ai rencontrées, un certain sentiment de repli sur
soi et parfois même des rejets de l'autre, d'un coté comme d'un
autre ! C'est pour cela que le vivre-ensemble est basé au cœur de
notre projet afin de créer des événements qui permettent à tous
les avignonnais de se retrouver et partager un moment d'échanges qui
peut développer une sorte d'ouverture d'esprit et un regard
différent sur l'autre.
Il
m'arrive aussi d'organiser des rencontres entre les divers acteurs de
la vie religieuse, catholique, musulmane, juive et protestante pour
d'une part pouvoir discuter de ce qu'ils peuvent me faire remonter
mais aussi pour qu'ils puissent, entre eux, débattre et se
rencontrer.
C.M:
Une forte tension, un chômage fort, une qualité de vie qui se
dégrade et une insécurité présente, la situation de certains
quartiers a atteint une limite depuis quelques années qui empêche
la construction d'un avenir durable. Comment comptez-vous construire
l'avenir de ces quartiers ?
C.H:
Je pense qu'il ne faut pas tomber dans la caricature. Malgré
l'insécurité vécue ou ressentie, Avignon est une ville qui a
beaucoup d'atouts. Elle est connue dans le monde entier, possède une
dimension culturelle importante donc il ne faut pas négliger ces
atouts et au contraire en être conscient.
Par
ailleurs, nous savons que dans ces quartiers il y a beaucoup de
talents tant culturels qu'économiques qui entreprennent des choses
formidables mais nous n'en parlons pas assez. On dit qu'à Avignon
il y a un fort taux de chômage, mais il y a aussi de très belles
aventures qui illustrent bien le fait qu'il peut y avoir un dynamisme
économique au sein de notre territoire.
Pour
que cela continue, je pense qu'il faudrait continuer à donner à nos
citoyens la "fierté"
d'être Avignonnais et renouer une confiance avec la population.
C.M:
Sachant que l'écologie et le Développement Durable vous tiennent à
cœur, quels sont vos grandes lignes politiques en matière
d'écologie sur le territoire Avignonnais?
C.H:
Je dis toujours à mes élus, mobilisés sur ces enjeux, que la
bataille sera remportée lorsque la dimension du développement
durable et de l'excellence écologique sera intégrée dans nos
affaires politiques quotidiennes. Je me suis battue, lorsque j'avais
la responsabilité de l'aménagement du territoire au conseil
régional, pour rendre l'aménagement du territoire nécessairement
durable ne serait-ce parce qu'il y a cette obligation de tenir compte
des enjeux du développement durable et des enjeux environnementaux.
J'ai envie que cette cause devienne quelque chose de naturel, d'innée
sans forcément devoir le rappeler. Tant que l'on considérera
l'environnement et le développement durable comme quelque chose d'à
part, il y aura toujours la tentation de ne pas agir écologiquement
afin de faire des économies par exemple, donc c'est notre priorité
de mettre en place une politique écologique qui fonctionne. Par
ailleurs, le projet d'Avignon [et de nombreuses grandes villes du
sud] est de faire "disparaître" la voiture de
l'intra-muros car il faut vraiment que le trafic routier soit
beaucoup moins prégnant qu'il l'est aujourd'hui. Si on prend le cas
de la place St-Didier, qui est pour moi l'une des plus belles places
d'Avignon, on accepte "qu'une vingtaine de voitures fassent la
loi" sur cette place plutôt que la population avignonnaise.
Il y a
beaucoup de villes du sud qui ont une moindre qualité de vie que des
villes qu'on peut voir sur la façade océanique parce que ces villes
là sont allées plus loin dans la maîtrise de ces flux routiers.
C.M:
Alors dans ces cas, pourquoi estimez-vous que le Tram est un "cadeau
empoisonné"?
C.H:
Je suis convaincue qu'il faut un moyen de transport aussi propre,
écologique et performant qu'un tram, mais je défend une idée
alternative qui est l'élaboration d'un BHNS (Bus à Haut Niveau de
Service) qui apporte les mêmes réponses qu'un tramway en étant
beaucoup moins coûteux (c'est d'ailleurs cela qui m'a toujours fait
privilégier cette solution). Je pense aussi qu'il est important
aujourd'hui qu'une agglomération porte des projets à la dimension
de sa taille ; le tram est un effet de mode qui peut fonctionner dans
de nombreuses villes comme Montpellier mais dans une ville comme
Avignon je pense que la « solution bus » est plus
pertinente parce qu'elle est moins coûteuse, parce qu'elle apporte
les mêmes réponses qu'un tram et parce que j'estime qu'avec 90
millions d'euros on peut largement aménager une ligne de BHNS et
quelques lignes chrono pour les heures de pointes.
C.M:
28 ans que vous êtes engagée au Parti Socialiste, députée puis
conseillère régionale et maintenant maire d'Avignon, comment après
autant de mandats et d'investissement en politique arrivez-vous à
concilier vie privée et familiale avec vie politique ?
C.H:
Du point de vue professionnel, je suis universitaire - maître de
conférence - donc c'est vrai que j'ai une certaine liberté dans
l'organisation de mes heures de travail et un réel plaisir à faire
ce métier (Géographe). Pendant mon mandat régional, j'ai réussi à
concilier mon travail avec mon investissement politique grâce à un
aménagement de mon emploi du temps qui me le permettait. Depuis que
je suis maire, comme lorsque j'étais députée, je me consacre
entièrement à ma fonction d'élue en me mettant en situation de
détachement par rapport à ma profession bien qu'il m'est possible
de retrouver mon poste d'enseignant-chercheur si je n'entreprends pas
de second mandat.
Sur la
vie familiale, c'est un choix de vie que l'on accepte. Je sais que
moi j'ai toujours considéré que mes mandats étaient des
engagements qui avaient un début et une fin, et que pendant cette
période c'est un choix de vie donc pendant un certains temps je vais
mettre un peu entre parenthèses ma vie familiale et privée parce
que la fonction de maire prend énormément de temps. Après, sur ma
vie familiale il s'avère qu'aujourd'hui je suis célibataire et sans
enfant donc ça peut me faciliter les choses, car pour une femme,
avoir des enfants à charge et assumer des fonctions électives c'est
deux choses qui ne sont pas forcément très conciliables. Par
contre, j'essaye de me laisser du temps pour moi, pour mes amis, pour
ma famille (mes parents) parce que je pense que c'est important aussi
d'avoir ces temps de respiration et de ressourcement pour s'évader
un peu...
C.M:
Anne Hidalgo à Paris, Maryse Joissains à Aix-en-Provence, vous à
Avignon, la femme continue sa conquête de la scène politique, vous
serait-il envisageable de voir une femme investir l’Élysée en
2017 ?
C.H:
Je pense que ça arrivera un jour ! C'est pour moi dans le cours des
choses qu'une femme devienne Présidente de la République bien que
les choses ne sont pas simples parce qu'en dépit de la loi de Parité
on reste dans un monde largement dominé par la gente masculine, il
faut se le dire aussi.
C.M:
Avant de finir, quel conseil donneriez-vous à un jeune qui veut
s'engager en politique ?
C.H:
Je lui conseillerai de toujours rester soi-même, sur ses valeurs qui
l'ont poussé en politique, à savoir la volonté d'agir pour les
autres et de faire changer les choses.
Propos
recueillis par Clément Maini,
Le
journal Prise de Paroles remercie
Madame Cécile Helle pour sa collaboration et son attention toute
particulière.
Que penser de ces soirées au bar de la mairie qui alimentent les ragots,ainsi que ce crêpage de chignons entre rivales de Cécile Helle ?
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