samedi 20 juin 2015

Helle a la parole

      Toujours avec cette même fascination des lieux, Cécile Helle a fait visiter début mars tout le corps institutionnel de l'Hôtel de Ville d'Avignon à des jeunes collégiens venus de quartiers populaires. Sous leurs regards attentif, Cécile Helle s'apparente à une Maire "proche de ses citoyens" en expliquant avec passion l'importance de l'Hôtel de Ville dans la citoyenneté, considérée selon elle comme la "maison de tous".

      Assise derrière un bureau où s'empilent dossiers sur dossiers, l'ancienne maitre de conférence en Géographie de l'Université d'Avignon ne cache pas son ambition pour la ville qu'elle a d'ores et déjà commencé à appliquer dès son investiture, dix mois déjà. Langage sérieux, un léger air décontracté, elle se décrit comme une Maire simple et proche de ses citoyens. Successeur de Marie-José Roig en avril dernier, Cécile Helle s'installe à Avignon à l'âge de 15 ans avec ses parents. Elève au lycée Aubanel, elle participe à la manifestation contre la Loi Devaquet en 1986 et s'encarte peu après au Parti Socialiste.

      28 ans et plus jeune députée de l'Assemblée Nationale en 1997, conseillère régionale en 2004, et plus jeune Maire d'Avignon en 2014, elle incarne derrière ce sourire discret une carrière fulgurante et bien maîtrisée. Bien qu'elle ne soit pas vraiment nostalgique des débats de l'Assemblée Nationale ; à 44 ans, Cécile Helle cherche l'action de proximité en construisant une nouvelle manière de gouverner la municipalité d'Avignon, à sa façon.

"Rien ne doit justifier la violence ou le rejet de l'autre mais nous devons chercher des éléments explicatifs" Cécile Helle

Opposée sans complexe au projet du tram, elle assume sa place de Vice Présidente à la Communauté de Communes du Grand Avignon et n'hésite pas à faire entendre son souhait de solutions alternatives à ce "cadeau empoisonné".

C'est au bout d'un long couloir desservant les bureaux de ses conseillers, que je m'apprête, feuilles de questions dans une main et appareil photo de l'autre, à la rencontrer. Pièce claire, sièges anis, large tableau contemporain ; le bureau est à l'image de son locataire, à l'image d'un renouvellement.





Clément Maini (Prise de Paroles actu): Pourquoi estimez-vous qu'Avignon est une ville à "ré-inventer" ?

Cécile Helle: C'était effectivement mon slogan de campagne qui émettait l'idée de "réveiller" Avignon que l'on surnomme souvent la Belle endormie. J'ai aussi tendance à considérer que le troisième mandat est toujours le mandat de trop, en pensant notamment à celui de Marie-José Roig qui a été marqué par un certain immobilisme, une absence de projet concret et de décision forte. Ainsi, l'idée de ré-inventer Avignon, c'est d'essayer de redémarrer cette ville et lui redonner une certaine dynamique.

C.M : A Avignon, de nombreuses communautés revendiquent des droits et des valeurs lors de manifestations, comme celle du samedi 14 février où 200 personnes sont venues manifester contre l'islamophobie dans un cadre légal. On entendait parfois des témoins, surpris, choqués, demandant ainsi "Où est donc la police ?".
Sachant le contexte actuel est-ce que cela relèverait plutôt d'un ras-le-bol ou d'une augmentation de l'intolérance des avignonnais?

C.H: Je pense qu'il y a des deux mais rien ne doit justifier la violence ou le rejet de l'autre mais nous devons chercher des éléments explicatifs. C'est toujours de cette manière que j'ai procédé et je reconnais que dans certaines banlieues françaises comme avignonnaises il y a des ras-le-bol qui se manifestent - voire de manière violente - mais il est important, à mes yeux, de comprendre ce qui a pu susciter ces réactions. Si nous ne cherchons pas à les comprendre, nous n'arriverons pas à les combattre.
Pour ma part, étant citoyenne d'Avignon depuis 30 ans et élue depuis quinze années, je constate une certaine crispation entre les différentes communautés que j'ai rencontrées, un certain sentiment de repli sur soi et parfois même des rejets de l'autre, d'un coté comme d'un autre ! C'est pour cela que le vivre-ensemble est basé au cœur de notre projet afin de créer des événements qui permettent à tous les avignonnais de se retrouver et partager un moment d'échanges qui peut développer une sorte d'ouverture d'esprit et un regard différent sur l'autre.
Il m'arrive aussi d'organiser des rencontres entre les divers acteurs de la vie religieuse, catholique, musulmane, juive et protestante pour d'une part pouvoir discuter de ce qu'ils peuvent me faire remonter mais aussi pour qu'ils puissent, entre eux, débattre et se rencontrer.

C.M: Une forte tension, un chômage fort, une qualité de vie qui se dégrade et une insécurité présente, la situation de certains quartiers a atteint une limite depuis quelques années qui empêche la construction d'un avenir durable. Comment comptez-vous construire l'avenir de ces quartiers ?

C.H: Je pense qu'il ne faut pas tomber dans la caricature. Malgré l'insécurité vécue ou ressentie, Avignon est une ville qui a beaucoup d'atouts. Elle est connue dans le monde entier, possède une dimension culturelle importante donc il ne faut pas négliger ces atouts et au contraire en être conscient.
Par ailleurs, nous savons que dans ces quartiers il y a beaucoup de talents tant culturels qu'économiques qui entreprennent des choses formidables mais nous n'en parlons pas assez. On dit qu'à Avignon il y a un fort taux de chômage, mais il y a aussi de très belles aventures qui illustrent bien le fait qu'il peut y avoir un dynamisme économique au sein de notre territoire.
Pour que cela continue, je pense qu'il faudrait continuer à donner à nos citoyens la "fierté" d'être Avignonnais et renouer une confiance avec la population.

C.M: Sachant que l'écologie et le Développement Durable vous tiennent à cœur, quels sont vos grandes lignes politiques en matière d'écologie sur le territoire Avignonnais?
C.H: Je dis toujours à mes élus, mobilisés sur ces enjeux, que la bataille sera remportée lorsque la dimension du développement durable et de l'excellence écologique sera intégrée dans nos affaires politiques quotidiennes. Je me suis battue, lorsque j'avais la responsabilité de l'aménagement du territoire au conseil régional, pour rendre l'aménagement du territoire nécessairement durable ne serait-ce parce qu'il y a cette obligation de tenir compte des enjeux du développement durable et des enjeux environnementaux. J'ai envie que cette cause devienne quelque chose de naturel, d'innée sans forcément devoir le rappeler. Tant que l'on considérera l'environnement et le développement durable comme quelque chose d'à part, il y aura toujours la tentation de ne pas agir écologiquement afin de faire des économies par exemple, donc c'est notre priorité de mettre en place une politique écologique qui fonctionne. Par ailleurs, le projet d'Avignon [et de nombreuses grandes villes du sud] est de faire "disparaître" la voiture de l'intra-muros car il faut vraiment que le trafic routier soit beaucoup moins prégnant qu'il l'est aujourd'hui. Si on prend le cas de la place St-Didier, qui est pour moi l'une des plus belles places d'Avignon, on accepte "qu'une vingtaine de voitures fassent la loi" sur cette place plutôt que la population avignonnaise.
Il y a beaucoup de villes du sud qui ont une moindre qualité de vie que des villes qu'on peut voir sur la façade océanique parce que ces villes là sont allées plus loin dans la maîtrise de ces flux routiers.

C.M: Alors dans ces cas, pourquoi estimez-vous que le Tram est un "cadeau empoisonné"?

C.H: Je suis convaincue qu'il faut un moyen de transport aussi propre, écologique et performant qu'un tram, mais je défend une idée alternative qui est l'élaboration d'un BHNS (Bus à Haut Niveau de Service) qui apporte les mêmes réponses qu'un tramway en étant beaucoup moins coûteux (c'est d'ailleurs cela qui m'a toujours fait privilégier cette solution). Je pense aussi qu'il est important aujourd'hui qu'une agglomération porte des projets à la dimension de sa taille ; le tram est un effet de mode qui peut fonctionner dans de nombreuses villes comme Montpellier mais dans une ville comme Avignon je pense que la « solution bus » est plus pertinente parce qu'elle est moins coûteuse, parce qu'elle apporte les mêmes réponses qu'un tram et parce que j'estime qu'avec 90 millions d'euros on peut largement aménager une ligne de BHNS et quelques lignes chrono pour les heures de pointes.




C.M: 28 ans que vous êtes engagée au Parti Socialiste, députée puis conseillère régionale et maintenant maire d'Avignon, comment après autant de mandats et d'investissement en politique arrivez-vous à concilier vie privée et familiale avec vie politique ?


C.H: Du point de vue professionnel, je suis universitaire - maître de conférence - donc c'est vrai que j'ai une certaine liberté dans l'organisation de mes heures de travail et un réel plaisir à faire ce métier (Géographe). Pendant mon mandat régional, j'ai réussi à concilier mon travail avec mon investissement politique grâce à un aménagement de mon emploi du temps qui me le permettait. Depuis que je suis maire, comme lorsque j'étais députée, je me consacre entièrement à ma fonction d'élue en me mettant en situation de détachement par rapport à ma profession bien qu'il m'est possible de retrouver mon poste d'enseignant-chercheur si je n'entreprends pas de second mandat.
Sur la vie familiale, c'est un choix de vie que l'on accepte. Je sais que moi j'ai toujours considéré que mes mandats étaient des engagements qui avaient un début et une fin, et que pendant cette période c'est un choix de vie donc pendant un certains temps je vais mettre un peu entre parenthèses ma vie familiale et privée parce que la fonction de maire prend énormément de temps. Après, sur ma vie familiale il s'avère qu'aujourd'hui je suis célibataire et sans enfant donc ça peut me faciliter les choses, car pour une femme, avoir des enfants à charge et assumer des fonctions électives c'est deux choses qui ne sont pas forcément très conciliables. Par contre, j'essaye de me laisser du temps pour moi, pour mes amis, pour ma famille (mes parents) parce que je pense que c'est important aussi d'avoir ces temps de respiration et de ressourcement pour s'évader un peu...

C.M: Anne Hidalgo à Paris, Maryse Joissains à Aix-en-Provence, vous à Avignon, la femme continue sa conquête de la scène politique, vous serait-il envisageable de voir une femme investir l’Élysée en 2017 ?
C.H: Je pense que ça arrivera un jour ! C'est pour moi dans le cours des choses qu'une femme devienne Présidente de la République bien que les choses ne sont pas simples parce qu'en dépit de la loi de Parité on reste dans un monde largement dominé par la gente masculine, il faut se le dire aussi.

C.M: Avant de finir, quel conseil donneriez-vous à un jeune qui veut s'engager en politique ?

C.H: Je lui conseillerai de toujours rester soi-même, sur ses valeurs qui l'ont poussé en politique, à savoir la volonté d'agir pour les autres et de faire changer les choses.


Propos recueillis par Clément Maini,


Le journal Prise de Paroles remercie Madame Cécile Helle pour sa collaboration et son attention toute particulière. 

1 commentaire:

  1. Que penser de ces soirées au bar de la mairie qui alimentent les ragots,ainsi que ce crêpage de chignons entre rivales de Cécile Helle ?

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